Bercés entre ces murs
[ Un solide soir d'hiver ]
18h, sortie de bureau. Parking désert. Nuit
noire. Je m’arrête avant d’atteindre ma voiture, hypnotisée par cette grande
girafe mécanique qui travaille sous la lumière des projecteurs et livre à mes
yeux les entrailles toutes entières de ce bâtiment destiné à disparaître. Où
vont s’échapper les souvenirs des enfants bercés entre ces murs par des bras
étrangers ?
Quel destin pour les histoires des nourrissons endormis dans des
chambres qui n’auront jamais vraiment été les leurs ? Faut-il que les délais à
tenir soient si serrés pour que la bête gronde même une fois la nuit tombée, à
grand renfort d’halogènes ? Détruire, pour reconstruire. A côté de l’éventré,
je devine, pour les avoir vues en pleine journée, les silhouettes des lits à
barreaux fièrement alignés dans l’herbe, vides, tristes. Ils attendent. Rien ne
bouge, que la machine. Atmosphère à la fois étrangement calme et chaotique.
Besoin de figer cet instant. C’est fait, je monte en voiture. Je rentre chez
moi, embrasser les miens.

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